Eric Cougnaud et Jacques Marcel : Entreprise de Taille Intermédiaire, le modèle d’entreprise de demain ?

Dans le cadre de notre deuxième magazine ForHum, nous nous sommes interrogés sur ce que pouvaient se dire deux dirigeants d’entreprises partenaires des ciments Hoffmann quand ils se rencontrent ?

Avenir, responsabilité, environnement, performance… Regards croisés d’Eric Cougnaud, président du Groupe Cougnaud et président du Conseil de surveillance d’Hoffmann et Jacques Marcel, président du Directoire du Groupe GCC et partenaire d’affaire d’Hoffmann.

Eric Cougnaud et Jacques Marcel

ForHum : C’est quand demain pour une entreprise ? 

Eric Cougnaud : Demain c’est tous les jours parce que c’est tous les jours qu’il faut construire demain. Que ce soit sur la technique, les services, l’organisation, l’approche commerciale. L’entreprise doit réfléchir sur demain au quotidien. Comme nous sommes une entreprise familiale, on réfléchit bien sûr à ce que doit être l’entreprise demain dans sa pérennité aussi.

Jacques Marcel : Demain c’est aujourd’hui. Il y a une accélération sur les aspects technologiques et sociétaux. Donc demain c’est déjà assez vite trop tard. On est vraiment dans le schéma de l’ETI familiale ou à actionnariat détenu par les salariés. On gère le moyen / long terme plutôt que le court terme, qui donne une vision un peu différente du principe de l’entrepreneuriat. C’est important pour les collaborateurs parce que ça participe à donner du sens. 

Qu’est-ce qui change ?

Eric Cougnaud : Les générations qui nous rejoignent aujourd’hui ont des cultures, des envies, des objectifs différents. Ils nous poussent. Comme nos enfants, nous poussent. Comme les générations à venir, nous poussent. Il ne s’agit pas là de communication, mais d’actions pour les hommes et les femmes de l’entreprise mais aussi pour nos clients.  

Jacques Marcel : Les jeunes générations ont des attentes fortes. Et ça ne peut pas être que du marketing. C’est la recherche de sens. Donc l’entreprise doit s’adapter fortement sur ces nouvelles attentes. 

A quoi ressemblera l’entreprise de demain ? Quel modèle entre le Small is beautifull de la start up, l’ESS et les conglomérats à la Alibaba ? 

Eric Cougnaud : C’est la multiplicité des modèles qui est intéressante. Le modèle de l’entreprise familiale doit savoir s’ouvrir vers l’extérieur, adapter les bonnes pratiques avec une petite sauce « entreprise familiale ».

Jacques Marcel : Je dirai « The middle is beautifull ». Je suis convaincu que les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, c’est l’avenir. Une taille suffisante qui apporte de la solidité financière, une capacité d’innovation. C’est cette espèce de chemin de crêtes entre d’un côté la PME, petite, agile, réactive mais très vite limitée dans son approche ou le grand groupe qui lui est très homogène et peut avoir un effet de démotivation. Donc je suis très confiant sur notre modèle économique. 

Quels sont les points forts du modèle de l’ETI ?

Eric Cougnaud : L’agilité, parce qu’en tant qu’entreprise familiale, nous avons un circuit de décision rapide et réactif.

Jacques Marcel : Nous sommes une soixantaine d’actionnaires cadres dirigeants. Les patrons d’agence ont vocation à être actionnaires dans la société holding dont la majorité est détenue à quatre personnes. Ce qu’on met en avant c’est le circuit court. Une hiérarchie très plate. On a des patrons d’agences avec une quarantaine d’implantations, il y a un patron sur chaque métier. Donc la décision, c’est très rapide. Ce qui est important c’est la réactivité.

Hoffman - changement de paradigme dans le secteur de la construction

C’est quoi pour vous une entreprise engagée ?

Jacques Marcel : Nous sommes dans des métiers où notre actif est composé de collaborateurs. C’est notre principale ressource. Ce sont des engagements dans le domaine de la formation, de l’insertion, de la fidélisation des collaborateurs. Sur l’environnement, il y a deux niveaux d’actions : les matériaux qui permettent d’apporter une empreinte carbone moins importante : le bois, le ciment décarboné. La deuxième chose, c’est la façon dont on fait les travaux. 

Eric Cougnaud : Historiquement, nos produits sont plutôt à base d’acier. Pour répondre au nouveau cadre normatif, nous avons repris une entreprise qui travaille dans le bois. C’est du bois. C’est du béton demain. C’est trouver les meilleures réponses parce que la clientèle nous met une « saine pression ». L’environnement nous met une « saine pression ». Nos salariés aussi nous mettent aussi une « saine pression ». 

Comment les entreprises peuvent-elles accélérer leur transformation sur le partage des richesses ?

Jacques Marcel : Dans le cadre de notre principe même d’actionnariat. On a également un fonds commun de placement, où on a 1000 personnes qui sont associés au capital de l’entreprise, et notamment une grande partie des ouvriers. Notre système repose sur un partage très important de cette création de valeur.

Eric Cougnaud : On a une forte proximité avec les collaborateurs. Le partage de la valeur ajoutée de l’entreprise, c’est quelque chose qu’on a l’habitude de partager par l’intermédiaire d’intéressements ou de variables.

Le partage des richesses va-t-il de pair avec le partage du pouvoir ?

Eric Cougnaud : La communication économique et financière est primordiale. C’est important pour la confiance, y compris avec les partenaires sociaux. Ensuite quand on les voit sur les sujets, ils sont plus en compréhension.

Jacques Marcel : On a ce que l’on appelle des comités entrepreneurs deux fois par an où on communique sur la globalité des chiffres, où on partage nos joies et nos peines. C’est aussi ça l’entreprise. C’est là où nos entreprises peuvent être fortes. Si on a un circuit court, si on a une organisation assez plate et de la proximité managériale à l’intérieur de l’entreprise, ça facilite beaucoup plus les choses dans ce type de communication. C’est un vrai point de différenciation par rapport à des organisations plus importantes. 

Quelles transformations votre entreprise entreprend pour son impact social et environnemental ?

Jacques Marcel : Tout ne viendra pas de l’interne de l’entreprise. Comme tout bouge autour de nous, il est très important d’être curieux de tout ce qui se passe autour de nous, notamment dans ces domaines, de créer des partenariats avec des structures. C’est ça le principe du gagnant-gagnant qui va permettre de co-contruire des solutions. Avec Hoffmann, c’est ce qu’on fait aujourd’hui dans le cadre d’essais techniques. Je crois beaucoup à l’innovation et au co-développement. C’est un axe fort sur l’impact environnemental et sociétal. On a également mis en place un programme d’intrapreneuriat. 

Eric Cougnaud : Nos entreprises doivent absolument s’adapter au quotidien et ça ne date pas d’aujourd’hui. On ne fait pas d’information dessus parce que c’est habituel. En ecoconception, on propose des packs de performance énergétique dans l’enveloppe des bâtiments et l’apport d’énergie avec des panneaux photovoltaïques. On développe également un kit d’autoconsommation. Pour la seconde vie des bâtiments en location, on travaille en partenariat avec des entreprises spécialisées sur les produits d’occasion.

Si le territoire semble l’échelon pertinent pour l’engagement de l’entreprise, quel rôle peut jouer une entreprise sur son territoire et comment ?

Eric Cougnaud : Sur la bassin Yonnais, nous sommes le plus gros employeur privé. Automatiquement, ça nous engage vis-à-vis du territoire. Depuis plus de 7 ans, on engage des programmes de formation de personnes éloignées de l’emploi avec Pôle Emploi et l’AFPA. On en recrute ensuite environ 30 à 40% en CDI. Nous formons également des migrants, deux personnes sont actuellement en cours d’intégration dans l’entreprise. Nous faisons aussi des partenariats pour des activités sportives et culturelles par du mécénat. C’est dans notre culture, nous habitons ici. Nous sommes dans le territoire aussi. 

Jacques Marcel : Nous sommes présents dans pratiquement toutes les régions. C’est une somme d’actions très terrain. Dans la région de Nevers qui perd de plus en plus d’habitants, on prend des participations dans des SEM pour aider au développement économique. 

La mise en œuvre d’alliances territoriales entreprises / associations / collectivités est-elle une piste que vous développez ?

Eric Cougnaud : En Vendée, les acteurs du territoire travaillent beaucoup entre eux. Les entreprises avec le territoire. Les associations avec les entreprises etc. On est plutôt sur des petites villes. Dans le milieu des entreprises, dans le milieu des acteurs politiques, tout le monde se connaît.

Jacques Marcel : On a au moins 6 partenariats sur l’ensemble des territoires sur ces sujets d’insertion. On crée des partenariats avec des geicq. On s’engage à prendre sur nos opérations des personnes formées. C’est important pour le territoire d’avoir une employabilité et, de notre côté, notre développement est limité par les ressources humaines.

Que diriez-vous aux entreprises qui n’ont pas encore amorcé leur transformation ?

Eric Cougnaud : Vous pensez qu’il y a des entreprises qui n’ont pas engagées leur transformation ? C’est absolument nécessaire. C’est irresponsable de ne pas le faire.

Jacques Marcel : La transformation est de deux ordres : la transformation de nos métiers et la transformation sociétale. Dans le domaine du bâtiment, tout le monde pensait qu’on était un peu protégés. Aujourd’hui, ça nous touche de plein fouet et ça va nécessiter des investissements, une adaptation très rapide. 

Sur la transformation sociétale qui touche nos collaborateurs. C’est à nous, entreprises, de s’adapter aux collaborateurs. Il faut transformer nos entreprises dans la façon de manager. Ça bouscule nos organisations. Ça bouscule certains métiers et certaines missions. C’est un vrai challenge qu’il faut entamer très vite avec beaucoup de lucidité, de pragmatisme et d’enthousiasme. 

Cette entrevue est issue des pages 46 & 47 de notre magazine ForHum, actuellement proposé en libre consultation sur notre site.